mercredi 15 septembre 2010

Au cimetière joyeux (1)

«En haut, dans le studio, une balle dans le mou, Ange fait, avec ce qui lui sort de la bouche, de jolis dessins abstraits roses sur la moquette. Il se pardonne pas d'avoir manqué son coup de ya voltigeur. On lui avait toujours dit qu'il l'avait magique, massacreur imparable. Le claquement mat du manche sur le mur, c'est l'humiliation suprême ; il fait bien de clamcer, sa réputation s'en serait pas relevée.
_ J'ai quand même pas de pot, il dit tout haut dans un hoquet rosé.
La consolation, il n'a ni zézayé ni bégayé. C'est bien tard, Ange, alors il complète le dessin de salive et de sang sur la moquette, il écrit « zut »d'un doigt tremblant, il essaie de se relever pour récupérer son ya mais c'est rigolo, ça tangue, ça lui rappelle la traversée Corse-continent, bon v'là autre chose, il croise ses mains sur sa poitrine froide, les gourmettes font toujours aussi cadènes sur gisant à Cusco, quand les poulardins arrivent il a son dernier hoquet, un moqueur qui asperge Carteret jusqu'à la ceinture. »

A.D.G, Notre frère qui êtes odieux... (Gallimard, coll. « Série Noire », n° 1662)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire